Depuis juillet 2016 en France, un "compte personnel de prévention de la pénibilité" devait comptabiliser les périodes d'exposition des salariés à dix facteurs de risques professionnels au-delà de seuils définis de durée et d'intensité d'exposition. Cette mesure devait permettre aux travailleurs les plus exposés de suivre une formation visant à accéder à un poste moins exposé, de réduire leur temps de travail, voire d'anticiper leur départ à la retraite jusqu'à 2 ans avant l'âge légal (1).
Une ordonnance du 22 septembre 2017, suivie de plusieurs décrets d'application, a largement réduit la portée de ces mesures favorables aux salariés (2,3).
Disparition de la notion de "pénibilité"
La nouvelle dénomination du compte, devenu "compte professionnel de prévention", escamote la notion de pénibilité (2,4). Quatre des dix facteurs de risques, « dont l'évaluation était particulièrement complexe » selon le gouvernement, sont exclus du dispositif : manutentions manuelles de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques, et agents chimiques dangereux (y compris cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction) (a)(2à4). Les travailleurs exposés à un ou plusieurs de ces quatre facteurs de risques ne pourront accéder au dispositif de "retraite anticipée pour incapacité permanente" qu'à condition d'être atteints d'une incapacité permanente d'au moins 10 %, reconnue au titre d'une maladie professionnelle, au lieu de 20 % dans le cas général (1,2,3,5).
Encore moins de prévention
En 2016, le "compte personnel de prévention de la pénibilité" avait été mis en œuvre au prix d'une simplification du dispositif initialement prévu, longuement négociée entre syndicats de salariés et patronat. La "fiche pénibilité" qui devait permettre une traçabilité individuelle de l'exposition à un ou plusieurs des 10 facteurs de pénibilité avait notamment été supprimée (1). Dans le nouveau système, l'absence de prise en compte de l'exposition à ces quatre facteurs de risques exclus a conduit à retirer le droit à une formation en vue d'une reconversion, et celui à une réduction du temps de travail. Quant au droit d'anticiper le départ à la retraite, il ne repose plus sur l'exposition en elle-même, mais nécessite d'être atteint par une maladie en lien avec ces expositions et répondant aux critères de reconnaissance de certains tableaux de maladies professionnelles.
Cette évolution est une régression de la prévention des maladies professionnelles : celles et ceux qui sont exposés à des agents chimiques dangereux ne seront "protégés" qu'après qu'une maladie professionnelle soit reconnue, c'est-à-dire pour certains après le départ à la retraite.
Notes
a- Six facteurs de risques professionnels restent pris en compte : les activités en milieu hyperbare, les températures extrêmes, le bruit, le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes, certains travaux répétitifs (réf. 1,2,4).