Résumé
Au cours de l'année 2022, seules 11 nouveautés médicamenteuses ont apporté un progrès notable pour les patients, sur les 124 ayant fait l'objet d'une analyse avec cotation dans Prescrire.
Tous les mois, Prescrire publie une analyse indépendante, comparative et méthodique des nouveautés en matière de médicaments : nouvelles substances, nouvelles indications, nouvelles formes pharmaceutiques, etc. Prescrire suit aussi de près les effets indésirables des médicaments, les arrêts de commercialisation et les retours sur le marché, les réévaluations, les retraits du marché et la réglementation des produits de santé. L'objectif est d'aider les abonnés à distinguer, parmi les nouveautés, celles qui apportent un progrès pour les soins de celles qui s'ajoutent sans progrès, voire qui n'auraient pas dû être autorisées vu les incertitudes ou leur dangerosité.
Pas de progrès majeur pour les soins en 2022
En 2022, 124 nouveautés médicamenteuses ont fait l'objet d'une analyse de progrès thérapeutique (lire le tableau "10 ans de cotations des nouvelles spécialités ou indications dans Prescrire").
Un certain progrès a été apporté par 34 nouveautés, un progrès notable par 11 (9 %) d'entre elles (cotées "Apporte quelque chose"), et modeste (cotées "Éventuellement utile") par les 23 autres, soit 19 %.
La moitié des nouveautés n'a pas apporté de progrès avéré (cotées "N'apporte rien de nouveau"). La balance bénéfices-risques n'a pas pu être déterminée faute d'évaluation clinique suffisante de l'efficacité ou des graves effets indésirables possibles (cotées "La Rédaction ne peut se prononcer") pour 13 nouveautés, soit 10 %. Enfin, les données d'évaluation ont montré que 14 nouveautés (11 %) sont plus dangereuses qu'utiles (cotées "Pas d'accord").
Quelques nouveautés à retenir
Après les progrès constatés avec les premiers vaccins covid-19 l'année précédente, le bilan est beaucoup plus modeste en 2022. Il se situe dans la moyenne observée par Prescrire avant la pandémie.
Quelques nouvelles substances sont à retenir pour les soins, par exemple : le sacituzumab govitécan et le tucatinib, ainsi que l'association pertuzumab + trastuzumab pour certaines patientes atteintes d'un cancer du sein ; le nirmatrélvir (associé avec le ritonavir) et le tocilizumab chez les patients à risque de forme grave de covid-19. L'anticorps sotrovimab a été temporairement un progrès dans la maladie covid-19, mais ce n'est pas durable du fait de la variabilité du virus. Chez les enfants dès l'âge de 7 ans, l'oxybate de sodium apporte aussi un progrès notable dans la narcolepsie, comme cela avait été le cas chez les adultes.
Des dosages inadaptés aux posologies
Certains médicaments examinés par Prescrire en 2022 sont commercialisés avec des dosages qui obligent à faire 2 à 4 injections au même moment de la journée pour injecter la dose préconisée, par exemple : le bimékizumab présenté en seringues ou stylos préremplis à 160 mg alors que la posologie est de 320 mg toutes les 4 ou 8 semaines dans le psoriasis en plaques (n° 469) ; le natalizumab présenté en seringues préremplies à 150 mg pour une administration par voie sous-cutanée, alors que la posologie est de 300 mg par mois dans la sclérose en plaques (n° 464) ; le tralokinumab, présenté en seringues préremplies à 150 mg alors que la posologie est de 600 mg puis 300 mg toutes les deux semaines dans certaines dermatites atopiques (n° 462).
Quelques mesures restrictives bienvenues au niveau européen
En 2022, dans l'Union européenne, des mesures restrictives ont été bienvenues, notamment : l'avis défavorable de l'Agence européenne du médicament (EMA) à l'octroi d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour l'aducanumab, un médicament sans efficacité démontrée dans la maladie d'Alzheimer, conduisant la firme à retirer sa demande (1) ; et le retrait d'autorisation de la dapagliflozine dans le diabète de type 1. L'autorisation du rucaparib, en cas d'aggravation d'un cancer de l'ovaire, a finalement été retirée après un octroi imprudent en 2020 sur la base d'une évaluation très fragile. Et fin 2022, l'EMA a confirmé son avis de retrait d'AMM des spécialités contenant de l'amfépramone (déjà retirée dans de nombreux pays dont la France), un amphétaminique dont la dangerosité était connue depuis les années 1990 (2).
Par contre, l'étifoxine n'a pas été retirée du marché européen, malgré une balance bénéfices-risques défavorable connue depuis de nombreuses années.
En somme : un bilan décevant
Retour aux années médiocres en matière de médicament pour l'année 2022. Peu de progrès apportés pour les soins. Une majorité de nouveautés sans progrès démontré, voire trop dangereuses. Encore trop peu d'efforts fournis par certaines firmes pour tenir compte de l'utilisation de leur médicament en pratique de soins, avec des présentations inadéquates avec les posologies préconisées.
Sources
1- EMA "Withdrawal of application for the marketing authorization of Adulhem" 22 avril 2022 : 2 pages.
2- EMA "EMA confirms recommendation to withdraw marketing authorisations for amfepramone medicines" 11 novembre 2022 : 3 pages.
10 ans de cotations des nouvelles spécialités ou indications dans Prescrire

APPORTE QUELQUE CHOSE
aprémilast (Otezla°) dans les aphtes buccaux liés à la maladie de Behçet (n° 460).
atidarsagène autotemcel (Libmeldy°) dans la leucodystrophie métachromatique (n° 466).
azacitidine (Onureg°) en traitement d'entretien dans la leucémie aiguë myéloïde (n° 466).
nirmatrelvir + ritonavir (Paxlovid°) et covid-19 (n° 462).
oxybate de sodium (Xyrem°) dans la narcolepsie avec cataplexie dès l'âge de 7 ans (n° 464).
pertuzumab + trastuzumab (Phesgo°) dans certains cancers du sein (n° 459).
sacituzumab govitécan (Trodelvy°) dans certains cancers du sein (n° 464).
sofosbuvir + velpatasvir + voxilaprévir (Vosevi°) dans l'hépatite C chez les adolescents (n° 470).
sotrovimab (Xevudy°) et covid-19 (n° 462).
tocilizumab (Roactemra°) et covid-19 grave (n° 466).
tucatinib (Tukysa°) dans certains cancers du sein (n° 462).
ÉVENTUELLEMENT UTILE
aciclovir solution (Aciclovir Accord°) dans les infections à virus herpès ou varicelle-zona (n° 468).
cannabidiol (Epidyolex°) dans l'épilepsie liée à la sclérose tubéreuse de Bourneville (n° 466).
casirivimab + imdévimab (Ronapreve°) dans le traitement curatif de la maladie covid-19 débutante (n° 461).
ceftazidime + avibactam (Zavicefta°) dans les infections des nourrissons et des enfants (n° 463).
cénobamate (Ontozry°) dans les crises d'épilepsie focale (n° 468).
citrate et bicarbonate de potassium à libération prolongée (Sibnayal°) dans les acidoses tubulaires rénales distales (n° 463).
clopidogrel (Plavix°) en association avec l'aspirine dans les accidents cérébraux ischémiques (n° 463).
dobutamine en seringues préremplies (Dobutamine Sun°) dans le syndrome de bas débit cardiovasculaire (n° 469).
dolutégravir (Tivicay°) dans les infections à HIV dès l'âge de 4 semaines (n° 463).
fostemsavir (Rukobia°) dans les infections à HIV-1 multirésistant (n° 460).
glécaprévir + pibrentasvir (Maviret°) dans les hépatites C dès l'âge de 3 ans (n° 468).
ipilimumab (Yervoy°) + nivolumab (Opdivo°) dans certains mésothéliomes pleuraux inopérables (n° 465).
morphine en comprimés orodispersibles (Actiskenan°) dans les douleurs sévères (n° 466).
pegcétacoplan (Aspaveli°) dans certaines hémoglobinuries paroxystiques nocturnes (n° 469).
pembrolizumab (Keytruda°) dans les cancers avancés de l'œsophage en 1re ligne (n° 467).
pitolisant (Ozawade°) dans les somnolences diurnes excessives liées à des apnées du sommeil (n° 468).
ravulizumab (Ultomiris°) dans les hémoglobinuries paroxystiques nocturnes (n° 464).
rivaroxaban (Xarelto°) dans les thromboses veineuses chez les enfants et les adolescents (n° 462).
setmélanotide (Imcivree°) dans certaines obésités très rares d'origine génétique (n° 468).
sumatriptan 3 mg/0,5 ml (Sumatriptan Sun°) dans la migraine (n° 468).
tozinaméran (Comirnaty°) dans la prévention de la maladie covid-19 chez les enfants dès l'âge de 5 ans (n° 460).
vaccin NVX-CoV2373 (Nuvaxovid°) dans la prévention de la maladie covid-19 chez les adultes (n° 462).
vénétoclax (Venclyxto°) dans les leucémies aiguës myéloïdes en 1re ligne (n° 467).
LA RÉDACTION NE PEUT SE PRONONCER
adalimumab (Humira°) dans la rectocolite hémorragique dès l'âge de 6 ans (n° 463).
dapagliflozine (Forxiga°) dans l'insuffisance rénale chronique (n° 461).
dupilumab (Dupixent°) dans l'eczéma atopique sévère des enfants dès l'âge de 6 ans (n° 459).
fostamatinib (Tavlesse°) dans la thrombopénie immunitaire chronique réfractaire (n° 461).
idécabtagène vicleucel (Abecma°) dans le myélome multiple (n° 467).
ipilimumab (Yervoy°) + nivolumab (Opdivo°) dans certains cancers colorectaux (n° 464).
méthylphénidate (Ritaline LP°) dans les troubles de déficit de l'attention avec hyperactivité chez les adultes (n° 465).
osimertinib (Tagrisso°) dans certains cancers bronchiques (n° 467).
pegvaliase (Palynziq°) dans la phénylcétonurie (n° 462).
pembrolizumab (Keytruda°) dans certains cancers du sein (n° 467).
risdiplam (Evrysdi°) dans l'amyotrophie spinale proximale (n° 465).
selpercatinib (Retsevmo°) dans certains cancers bronchiques ou thyroïdiens (n° 459).
vosoritide (Voxzogo°) dans l'achondroplasie (n° 470).
PAS D'ACCORD
drospirénone + estétrol (Drovelis°) dans la contraception orale (n° 464).
eskétamine (Spravato°) dans la dépression avec risque suicidaire élevé (n° 461).
icosapent éthyl (Vazkepa°) dans la prévention cardiovasculaire (n° 469).
liraglutide (Saxenda°) dans l'obésité chez les adolescents (n° 465).
luspatercept (Reblozyl°) dans les anémies liées à un syndrome myélodysplasique ou dans les anémies liées à une bêta-thalassémie (n° 469).
natalizumab (Tysabri°) par voie sous-cutanée (n° 464).
ozanimod (Zeposia°) dans la sclérose en plaques (n° 460).
pémigatinib (Pemazyre°) dans les cholangiocarcinomes (n° 466).
ponésimod (Ponvory°) dans la sclérose en plaques (n° 463).
protéines d'arachide (Palforzia°) dans la désensibilisation par voie orale (n° 461).
rélugolix + estradiol + noréthistérone (Ryeqo°) dans les fibromyomes utérins (n° 468).
roxadustat (Evrenzo°) dans les anémies liées à une insuffisance rénale chronique (n° 469).
teinture d'opium (Dropizal°) dans les diarrhées sévères (n° 466).
Progrès de l'année 2022 Comparaison aux 9 années précédentes
