L'année 2023 du médicament, en bref

Résumé

Quelques rares progrès pour les soins, surtout en cancérologie. Une majorité de nouveautés sans progrès, et quelques-unes plus dangereuses qu'utiles, en particulier pour les enfants.

Tous les mois, Prescrire publie une analyse indépendante et méthodique des nouveautés médicamenteuses : nouvelles substances, nouvelles indications, nouvelles formes pharmaceutiques, etc. L'objectif est d'aider les abonnés à distinguer les nouveautés qui apportent un progrès pour les soins. Prescrire suit aussi de près, entre autres, les réévaluations de la balance bénéfices-risques des médicaments, les effets indésirables, les pénuries, arrêts de commercialisation, et les retours sur le marché d'anciens médicaments.

121 nouveautés examinées dans l'intérêt premier des patients

En 2023, 121 nouveautés médicamenteuses ont fait l'objet d'une cotation par Prescrire (lire le tableau "10 ans de cotations dans Prescrire").

Un progrès a été apporté par 30 nouveautés médicamenteuses. Il s'agit d'un progrès : notable pour 10 d'entre elles (cotées "Apporte quelque chose"), soit 8 % de l'ensemble des nouveautés évaluées ; et modeste pour les 20 autres (cotées "Éventuellement utile"), soit 16 %. Ces résultats sont dans la lignée de ce qui a été observé en moyenne au cours des 9 années précédentes.

Cette année encore, la majorité des nouveautés évaluées (73, soit 60 %) n'ont pas apporté de progrès avéré (cotées "N'apporte rien de nouveau"). Pour 10 nouveautés (8 %), les données disponibles n'ont pas permis de déterminer leur balance bénéfices-risques (cotée "La Rédaction ne peut se prononcer"). Et 8 nouveautés (7 %) ont été considérées comme plus dangereuses qu'utiles (cotées "Pas d'accord") : encore trop, même si cela paraît moins par rapport aux 9 années précédentes.

Quelques progrès notables en cancérologie

Parmi les 10 nouveautés (substances ou associations de substances) qui ont apporté un progrès notable en 2023, 7 sont utilisées dans diverses situations de cancérologie (y compris les hémopathies malignes) chez des adultes ou des enfants. Et une autre substance est autorisée pour diminuer la concentration plasmatique toxique du méthotrexate, un cytotoxique autorisé dans certains cancers.

Des autorisations trop souvent imprudemment étendues aux enfants

En pédiatrie, l'association ivacaftor + tézacaftor + élexacaftor autorisée chez les enfants âgés de 6 ans ou plus atteints de mucoviscidose, et le blinatumomab, autorisé chez les enfants âgés de 1 an ou plus atteints d'une leucémie aiguë, lymphoblastique, ont été les seuls progrès notables. D'autres extensions pédiatriques ont été autorisées imprudemment : la dapagliflozine à partir de l'âge de 10 ans dans le diabète de type 2 ; le dupilumab à partir de l'âge de 6 ans dans l'asthme sévère ; le tériflunomide à partir de l'âge de 10 ans dans la sclérose en plaques. Ces trois médicaments exposent à trop d'effets indésirables graves en regard d'une efficacité au mieux modeste, voire non démontrée.

Des données avec "plus de recul", utiles pour y voir plus clair

En 2023, de nouvelles données nous ont conduits à réévaluer la balance bénéfices-risques de 6 médicaments. Après cette nouvelle analyse, trois d'entre eux ont été cotés "Apporte quelque chose" : l'olaparib, un cytotoxique autorisé en traitement dit d'entretien après une première ligne de chimiothérapie dans certains cancers avancés de l'ovaire (initialement coté "Ne peut se prononcer") ; l'osimertinib (Tagrisso°) avec plus de recul dans le traitement de certains cancers bronchiques (initialement coté "N'apporte rien de nouveau") ; et le ribociclib, un antitumoral autorisé dans certains cancers du sein (initialement coté "Pas d'accord").

Certaines mesures bienvenues pour les soins…

En 2023, des substances utiles pour les soins ont été remises sur le marché français avec une autorisation de mise sur le marché (AMM) française : l'aciclovir en pommade ophtalmique (Aciclovir Agepha°) dans la kératite herpétique ; la lomustine (Lomustine Medac°) dans certaines tumeurs cérébrales ; et les immunoglobulines équines antilymphocytes (Atgam°) dans certaines aplasies médullaires.

En 2023, la Commission européenne a retiré les AMM de toutes les spécialités européennes contenant de la pholcodine, un opioïde utilisé jusque-là dans la toux. Ce retrait est dû au risque d'anaphylaxies mortelles lors d'anesthésies comportant un curare chez les patients ayant été exposés préalablement à cette substance.

… mais la pseudoéphédrine encore autorisée

Par contre, fin 2023, la réévaluation de la balance bénéfices-risques des médicaments oraux contenant de la pseudoéphédrine, un sympathomimétique vasoconstricteur utilisé dans le rhume, a conduit le Comité de pharmacovigilance (PRAC) de l'Agence européenne du médicament (EMA) à seulement proposer des modifications du résumé des caractéristiques (RCP) alors que ce médicament expose à des effets indésirables graves en lien avec ses effets vasoconstricteurs, et qu'un retrait du marché est justifié.

En somme

Par rapport au nombre de nouveautés médicamenteuses de l'année 2023, les progrès pour les soins sont plutôt rares, voire l'exception en dehors du domaine de la cancérologie. Innovation et nouveauté ne sont pas synonymes des progrès.

©Prescrire

Tableau. 10 ans de cotations dans Prescrire

Tableau_Bilan

APPORTE QUELQUE CHOSE

  • blinatumomab (Blincyto°) dans les leucémies aiguës lymphoblastiques en première rechute, chez les enfants (n° 472).

  • glucarpidase pour diminuer la concentration plasmatique et la toxicité liée au méthotrexate utilisé à doses élevées (n° 476).

  • immunoglobines humaines polyvalentes (Octagam° dans la dermatomyosite (n° 476).

  • ivacaftor + tézacaftor + élexacaftor (Kaftrio°) dans la mucoviscidose avec au moins une mutation deltaF508 à partir de l'âge de 6 ans (n° 473).

  • nivolumab (Opdivo°) dans les cancers épidermoïdes avancés de l'œsophage exprimant la protéine PCD-L1 (n° 475).

  • olaparib (Lynparza°) avec plus de recul en traitement "d'entretien" après une 1re ligne de chimiothérapie dans certains cancers avancés de l'ovaire (n° 480).

  • osimertinib (Tagrisso°) avec plus de recul dans le traitement adjuvant de certains cancers bronchiques (n° 481).

  • pembrolizumab (Keytruda°) dans les cancers du col de l'utérus métastasés ou après échec (n° 477).

  • ribociclib (Kisqali°) avec plus de recul en ajout à un inhibiteur de l'aromatase dans certains cancers du sein (n° 479).

  • riprétinib (Qinlock°) en 4e ligne ou plus dans les tumeurs stromales digestives (n° 475).

ÉVENTUELLEMENT UTILE

  • avacopan (Tavneos°) dans certaines polyangéites (n° 475).

  • buprénorphine (Buvidal°) dans le traitement substitutif aux opioïdes (n° 482).

  • dexaméthasone (Dexliq°) dans le myélome multiple (n° 473).

  • difélikéfaline (Kapruvia°) dans le prurit lié à une insuffisance rénale chronique (n° 474).

  • enfortumab védotine (Padcev°) dans le carcinome urothélial en 3e ligne ou plus (n° 476).

  • évinacumab (Evkeeza°) dans les hypercholestérolémies familiales homozygotes (n° 478).

  • fludrocortisone (Flucortac°) dans l'insuffisance surrénalienne ou l'hypotension orthostatique (n° 482).

  • lénacapavir (Sunlenca°) dans le VIH-1 multirésistant (n° 476).

  • lenvatinib + pembrolizumab (Lenvima°, Keytruda°) dans le cancer de l'endomètre avancé ou en rechute (n° 474).

  • ménotropine (Menopur°) dans les infertilités masculines ou féminines (n° 473).

  • nirsévimab (Beyfortus°) dans la prévention des infections à VRS chez les nourrissons (n° 479).

  • nivolumab (Opdivo°) dans les adénocarcinomes avancés de l'estomac ou de l'œsophage exprimant la protéine PCD-L1 (n° 475).

  • odévixibat (Bylvay°) dans la cholestase intrahépatique progressive familiale (n° 471).

  • olaparib (Lynparza°) en adjuvant dans certains cancers du sein avec mutation BRCA (n° 480).

  • tébentafusp (Kimmtrak°) dans le mélanome uvéal métastasé (n° 477).

  • trastuzumab déruxtécan (Enhertu°) dans les cancers gastriques HER-2 positif, après échec d'une chimiothérapie comportant du trastuzumab (n° 481).

  • trastuzumab déruxtécan (Enhertu°) dans le cancer du sein avec faible surexpression HER-2, métastasé et en rechute (n° 478).

  • trastuzumab déruxtécan (Enhertu°) dans le cancer du sein HER-2 positif métastasé, après un premier anti-HER-2 (n° 478).

  • vaccin RSVPreF (Abrysvo°) chez les femmes enceintes en prévention des infections par le VRS chez leur enfant après la naissance (n° 482).

  • vutrisiran (Amvuttra°) dans la polyneuropathie liée à une amylose à transthyrétine (n° 477).

LA RÉDACTION NE PEUT SE PRONONCER

  • abémaciclib (Verzenios°) avec plus de recul en ajout à un inhibiteur de l'aromatase dans certains cancers du sein (n° 479).

  • axicabtagène ciloleucel (Yescarta°) en deuxième ligne dans certains lymphomes à cellules B (n° 479).

  • brexucabtagène autoleucel (Tecartus°) dans leucémie aiguë lymphoblastique à cellules B, réfractaire ou en rechute (n° 482).

  • burosumab (Crysvita°) dans l'ostéomalacie oncogénique (n° 478).

  • étiléfrine (Effortil°) dans le priapisme (n° 482).

  • éladocagène exuparvovec (Upstaza°) dans le déficit en décarboxylase d'acide L-aminé aromatique (n° 480).

  • idébénone (Raxone°) avec plus de recul dans la neuropathie optique de Leber (n° 475).

  • pembrolizumab (Keytruda°) après la chirurgie dans certains cancers du rein (n° 481).

  • pembrolizumab (Keytruda°) après résection de mélanomes à haut risque de récidive, et chez certains adolescents (n° 478).

  • sélumétinib (Koselugo°) dans les neurofibromes plexiformes dus à une neurofibromatose de type 1 (n° 472).

PAS D'ACCORD

  • dapagliflozine (Forxiga°) dans le diabète de type 2 à partir de l'âge de 10 ans (n° 473).

  • dupilumab (Dupixent°) dans certains asthmes sévères à partir de l'âge de 6 ans (n° 476).

  • ozanimod (Zeposia°) dans la rectocolite hémorragique (n° 474).

  • palbociclib (Ibrance°) en ajout à un inhibiteur de l'aromatase dans certains cancers du sein (n° 479).

  • rispéridone (Okedi°) dans la schizophrénie (n° 475).

  • tériflunomide (Aubagio°) dans la sclérose en plaques à partir de l'âge de 10 ans (n° 476).

  • upadacitinib (Rinvoq°) dans la rectocolite hémorragique (n° 478).

  • védolizumab (Entyvio°) dans la pochite liée à une rectocolite hémorragique (n° 475).